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17 août 2009 1 17 /08 /août /2009 10:24



Gregor s'orienta lentement vers la porte grâce au fauteuil, puis il le lâcha, se lança contre la porte, s'y appuya pour se redresser — les coussinets de ses petites pattes étaient un peu collants — et s'y reposa un instant de son effort. Mais ensuite il entreprit avec sa bouche de faire tourner la clef dans la serrure. Hélas ! il semblait qu'il n'eût pas vraiment de dents — comment s'y prendre maintenant pour saisir la clef? Il était clair, en revanche, que ses mâchoires étaient très fortes ; et grâce à elles, il finit par réussir à bouger la clef, sans prendre garde qu'il était certainement en train de se faire du mal, car un liquide brun s'écoulait de sa bouche, se répandait sur la serrure et dégouttait sur le plancher.



Franz Kafka -La métamorphose -1915




CYRANO
La marée !...
A l'heure où l'onde par la lune est attirée,
Je me mis sur le sable - après un bain de mer-
Et la tête partant la première, mon cher,
- Car les cheveux, surtout, gardent l'eau dans leur frange ! -
Je m'enlevai dans l'air, droit, tout droit, comme un ange.
Je montais, je montais, doucement, sans efforts,
Quand je sentis un choc !... Alors...


DE GUICHE,
                                                   Alors?

CYRANO
                                                             Alors...
Le quart d'heure est passé, Monsieur, je vous délivre :
Le mariage est fait.


DE GUICHE,
                             Ca voyons, je suis ivre !...

 

Edmond Rostand - Cyrano de Bergerac - 1897





Mon cher Allais,

Je couvre mes yeux de ma main, un instant ; je rejette en arrière, d'un mouvement convulsif, mes cheveux où mes doigts amaigris mettent un désordre voulu ; je ranime la flamme jaune des bougies dans les chandeliers d'ébène, en cuir de Russie, qui sont le plus bel ornement de mon intérieur ; j'envoie un sourire voluptueux et morne à l'image de la seule aimée, et, après avoir disposé sur mes genoux, symétriquement, les plis du suaire à larmes d'argent qui me sert de robe de chambre, je vous écris…



Alphonse Allais - "Une drôle de lettre" in  "Deux et deux font cinq" - 1895


 

Naturellement, rien à bouffer. Ma brique et demie de pain noir de la semaine, elle a fait deux jours. En me retenant surhumain. C'est plus fort que moi, j'ai faim, j'ai faim, je rôde comme un loup dévorant, les guibolles me flageolent dessous, et ce bricheton sur la planche... Je me coupe une petite tranche toute mince toute mince, rien qu'une. Et puis bien sûr une autre. Et puis une autre. Et puis, merde, j'attrape le quignon, je plonge dedans, je me remplis la gueule de pâte grise acide à moitié cuite pleine de flotte pour que ça fasse plus lourd, je m'en bourre les joues, je mâche à pleines mâchoires, je salive un jus épais ça gicle ça me coule, je retourne le pâton dans ma bouche comme avec une fourche, han, je mâche, je mâche, j'avale, volupté. En deux bouchées, a pus. Et merde...


Cavanna - Les russkoffs - 1979


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