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31 octobre 2009 6 31 /10 /octobre /2009 19:55


J’ai de la chance. Mon escalier est calme, ensoleillé, loin des labyrinthes pollués et surpeuplés du centre de la capitale. Les marches sont régulières, bien entretenues. La balustrade sûre, les gens sympathiques, respectueux des uns des autres. On peut compter sur eux si on a besoin d’une corde ou d’un peu de fil de fer. Un jour, on m’a dépanné d’un piolet ! Gracieusement ! Le temps de retrouver le mien. Je l’avais bêtement lâché dans la fatigue de l’ascension ! Ce qui serait fatal dans les escaliers malfamés, désespérés, terrifiants de certains quartiers, saturés de bruits et d’odeurs, sans rambarde, sans lumière, où la moindre inattention se paie par une chute dans le tourbillon central… si on n’a pas été égorgé plus tôt pour un simple mousqueton.
Mais rien n’est acquis. Il m’arrive encore, plus qu’à mon tour, d’avoir à ouvrir une voie nouvelle, de creuser la pierre et d’entrer le premier dans un mur froid et friable. D’un coup d’un seul, tout peut s’arrêter. Je le sais. Je n’en mène pas large. Je tremble, comme au premier jour, que la roche ne se referme et m’ensevelisse, comme elle le ferait d’un insecte misérable. A chaque fois, la chance m’a évité le pire.
J’ai appris à monter plus vite que le sol se dérobe. J’hésite moins. Je sais déceler les bruits, repérer les traces, sentir les odeurs. Certains parlent d’instinct. Pour moi, ce sont des signes que la montagne m’envoie, malgré les tourments, les déchirements, les glissements, les éboulements, les contractions, les secousses qui l’agitent de toutes parts. Elle me dit où je dois poser la main, enfoncer la pelle et creuser la marche qui lui plaira. Pourquoi ? Je ne sais pas. J’obéis. Peut-être veut-elle m’y conduire ? La plupart des grimpeurs évitent d’y penser. Le rêve est dangereux. Dans la montée, il vaut mieux garder les poings serrés et le cœur froid. Mais comment ne pas y rêver ? On dit que dans cet escalier des murs bleus vous protègent, qu’une moquette fleurie d’étoiles s’étale sous vos pieds, douce comme une herbe, que la rampe vous tient la main comme le ferait une mère. On dit qu’à chaque marche, le sol y ralentit son enfoncement continuel, et qu’en haut, tout en haut, les fissures se referment, le pied ne glisse plus, la main, les yeux, le cœur peuvent enfin s’ouvrir sans crainte. Se pourrait-il que la légende dise vrai ? Que cette partie du monde soit sauvée, et flotte, comme une bouteille sans bouchon, sur la boue noire de l’univers qui nous emporte vers le fond ?


M.DALMAZZO ©
Octobre 2009


(Dédié à Patrick PELTIER )

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commentaires

M
<br /> Elle, je suis content que ce texte t'inspire.<br /> Je suis quand même un peu surpris par le changement de sujet. J'imagine que les poux auxquels tu fais allusion désignent l'espèce humaine.. L'homme serait un parasite de la Terre... Quel<br /> pessimisme!! et curieusement quel optimisme aussi! Car au fond, dire celà ne serait-ce pas donner à l'Homme plus d'importance qu'il n'a?<br /> <br /> <br />
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E
<br /> oh!! des fautes<br /> je maitrise la grammaire mais mal le clavier..<br /> c'est presque une offense à gaîa!!<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Gaîa s'étirait au soleil étalant ses plis ombrés et dardant ses montagnes qui sont aussi ses seins puisqu'au sommet naissent les sources nourricières.<br /> Mais depuis quelque temps ses montagnes saignaient;<br /> Les horde de poux apparues un jour dans ses replis herbeux se répandait sur son corps et gagnaient jusqu'à ses montagnes imprimant leur morsures et creusant dans ses courbes pour aller plus<br /> haut.<br /> elle avait bien du mal à s'en débarrasser éruptions tsunami etc mais ils leur résistait<br /> elle songeait qu'il faudrait régler définitivement ce problème au moment l'un de ses poux au corps glabre et à la tête hirsute la piqua violemment surgissant sur le téton du mont...<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Gravir cet escalier aujourd'hui en effet n'est pas mince ascension!<br /> Vous écoutez bien la montagne et ça ne m'étonne pas! je vous souhaite de l'entendre encore chaque jour en cette nouvelle année! *_*<br /> ... et bravo pour ce beau texte!<br /> <br /> <br />
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T
<br /> Voilà un escalier d'aventures. Y trouver un piolet empruntable est la preuve que le lieu est sain et solide. La phrase de la fin est d'une profondeur que n'atteignent que les plus beaux reves ou<br /> les pires cauchemars. AMitié. THierry<br /> <br /> <br />
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